Monseigneur Charles-François-Joseph Pisani de la Gaude (1743-1826)





Il fut le dix-septième évêque de Namur, nommé par le Premier Consul Bonaparte le 3 février 1804.


D'abord évêque de Vence, en France, depuis 1783, Monseigneur Pisani fut chassé de son siège épiscopal en 1791. Il se réfugia à Venise et Rome. Lors de son séjour dans la Cité des Doges, là où la branche italienne de sa famille résidait, il adressa un mémoire à des membres éminents de sa famille vénitienne, Alvise et François Pisani. Voici une copie conforme de ce mémoire :





TRANSCRIPTION DU MÉMOIRE DE PISANI - VENISE DÉCEMBRE 1795

CARTON 6 - Recopié avec les fautes





Mémoire de Charles-François-Joseph Pisani

Evêque de Vence


A présenter à leurs Excellences Alvise Pisani Procurateur de S. Marc et François Pisani Ambassadeur à Madrid



L'origine italienne de la famille Pisani établie depuis plusieurs siècles en Provence et dont Charles-François-Joseph aujourd'hui éveque de Vence est le seul et dernier rejetton se montre d'abord par la terminaison du nom meme : elle était aussi attestée dans les chartres de cette famille et s'est transmise dans cette province par une tradition générale, constante et soutenue.


Les principales possessions de cette famille étant placées sur les frontières immédiates de l'Italie étaient souvent le théatre des guerres si fréquentes entre les souverains de cette contrée et les Rois de France : Aussi les titres de cette famille Pisani provençale ont'ils été successivement dilapidés à diverses époques, surtout aux années 1515, 1524, 1660, 1707, 1747, et finalement pendant la révolution française commencée en 1789.


Cependant l'éveque de Vence certifie avoir lu dans les notes de sa famille les indications de cette origine italienne prise en Toscane d'une tige commune divisée en plusieurs rameaux dont le principal et le plus distingué se transplanta à Venise, et dont les autres ont continué à se propager aux environs de Pise, ou ont été portés en France, en Sicile, etc.


Le Pisani émigré de Toscane en Provence lors des fréquentes révolutions de la république de Pise se réfugia d'abord à Nice avec peu de moyens, il passa ensuite le Var et s'établit en Provence sur les frontières même de l'Italie, y acquit à peu de frais des domaines assés considérables, et les premiers descendans y posséderent peu de temps après plusieurs terres et fiefs nobles dont l'éveque de Vence a hérité et qu'il a vendus lorsqu'il eut l'idée d'embrasser l'état ecclésiastique.


Cette famille ainsi transplantée fut agrégée au corps de la noblesse du pays, elle s'y est alliée à plusieurs maisons distinguées de la Provence, telles que les Pontevès, les Villeneuve Thorenc, les Castellane d'Allos, les Raimondi d'Eauze, les Clapiers de Cabris, les Lombard de Gourdon, les Pugets Barbentane, les Boisson, les Raphelis ((qui doit s'écrire : Raffélis)) Roquesante, les d'Albertas Jouques, les Lestang Parade et bien d'autres familles nobles également connues dont quelques unes ont eu des places à la Cour.


Parmi les descendans de ce Pisani transplanté en Provence les uns ont vécu simplement et noblement dans les chateaux de leurs fiefs, d'autres ont été oficiers dans des régimens, ou ont occupé des places nobles de magistrats dans les cours souveraines. L'éveque de Vence était lui-meme dès l'age de 20 ans conseiller en la cour souveraine des comptes de Provence au lieu et place de son père qui avait rempli la meme charge. Il a été ensuite au parlement et aprez sa promotion à l'épiscopat il a continué d'etre conseiller honoraire dans ces deux cours.


L'éveque de Vence neveu et héritier d'un de ses oncles maternels éveque de St. Paul 3 Chx en Dauphiné mort depuis 5 années avait aussi un oncle de sa grand-mère paternelle (M. de Villeneuve Thorenc commandeur de l'Ordre de Malte) qui au commencement de ce siècle fonda en faveur des enfans de ses cinq nièces, une commanderie dans l'Ordre de Malte ; la famille Pisani provençale y était appelée à son tour, et si Charles François Joseph aujourd'hui éveque de Vence, au lieu d'embrasser l'état ecclésiastique, eut versé dans le monde, s'y fut marié et eut continué la lignée, ses propres enfans auraient pu jouir de la dite commanderie.


L'éveque de Vence victime comme tant d'autres bons français de la révolution de France - échappé maintenant de sa patrie pour avoir été fidèle à Dieu, au Roi et à l'ancienne monarchie, séparé de ses proches parens, dépouillé de ses biens, de ses armes, de ses titres, incertain sur son asile, privé, pour comble d'injustice, du droit de tester, de disposer des débris qu'il a pu sauver de sa fortune - vient se jeter avec confiance dans le sein de la famille vénitienne Pisani à laquelle il croit tenir très anciennement par la meme tige : il ne prétend point leur etre aucunement à charge, mais il espère de la bienfesance des illustres chefs de cette famille qu'ils voudront bien le reconnaître pour originaire de la leur, et l'adopter en quelque sorte comme parent de nom et de tige : il désirerait aussi obtenir de leur protection et médiation la faveur d'etre naturalisé dans l'état vénitien où il a son domicile depuis plus de sept années, et auquel son dévouement et sa conduite irréprochable l'attacheront toujours plus. Alors renaissant, pour ainsi dire, de ses propres cendres, il suppléerait à la perte de ses titres, de ses droits, de ses amis : il recouvrerait une sorte de parenté dont il serait infiniment honoré et une patrie dont la contenance ferme, noble, imposante, au milieu des circonstances les plus critiques, justifie encore aujourd'hui la sagesse, la prudence et la gloire qui l'ont rendue célèbre dans les annales du monde.


L'éveque de Vence se félicitant d'avoir connu personnellement le grand coeur, la magnanimité, et l'obligeance de leurs excellences Alvise et François Pisani, ose présumer de leurs vertus et de leurs bontés qu'à l'exemple de plusieurs maisons illustres de France, d'Angleterre et d'Italie, des la Force, des Broglie, des d'Harcour, des Dillon, Doria, Balbi, Ruffo, etc. qui à certaines époques ont reconnu pour parens d'origine des personnes décorées de leur nom, ils daigneront accueillir la demande ou du moins le souhait de Charles-François-Joseph Pisani actuellement éveque de Vence, seul et dernier rejetton de sa famille provençale, le reconnaître pour originaire de leur famille, et le faire naturaliser dans l'état vénitien qu'il habite depuis plus de sept années : honoré de ce bienfait, il leur devra, sans leur etre aucunement à charge, des avantages propres à exciter sa reconnaissance, à nourrir son attachement à leurs personnes, et à redoubler ses efforts pour soutenir la gloire d'un nom distingué et qu'il a l'honneur de porter.



à Venise en décembre 1795

+ c.f.j. de Pisani de la Gaude

évêque de Vence